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Adieu Les Noms De Variétés De Weed Fun Avec La Légalisation ?

Un excellent article écrit par Adam Greenblatt, initialement publié sur  Lift Magazine puis repris par le site du parti politique pro cannabis canadien : BLOCPOT.CA . L’article nous explique comment et pourquoi les noms exotiques de weed comme Green Crack ou bien encore Lemon Kush  feront certainement partis du passé très prochainement avec la vague de légalisation qui a lieux outre atlantique et plus particulièrement au Canada.

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Alors que la marijuana thérapeutique devient monnaie courante et que les représentants commerciaux des producteurs autorisés visitent les bureaux des médecins et les forums médicaux pour proposer leurs produits, un important débat au sujet des noms de variétés de cannabis et de leur mise en marché a lieu au sein de la communauté médicale.

Lors du Forum en médecine familiale de 2014, des médecins des deux côtés du débat sur le cannabis ont exprimé des réserves sérieuses quant aux façons dont les variétés de cannabis sont nommées et mises en marché, notamment :

  • Noms et descriptions des effets qui mettent l’accent sur les propriétés euphorisantes (Purple Haze)
  • Superlatifs (Super, Ultra, Power)
  • Allégations anecdotiques relatives à la santé sur les emballages, sans données cliniques probantes à l’appui
  • Références à d’autres substances (LSD, Green Crack)
  • Offre de saveurs et d’arômes (Mango, Lemon Kush)

Ces inquiétudes sont familières : lorsque le législateur a commencé à lutter contre l’industrie du tabac, les pratiques relatives à la publicité et à la mise en marché ont été les premières à être limitées. Les sociétés pharmaceutiques sont également liées par des directives de mise en marché et des codes d’éthique stricts. Même si le cannabis médical n’est ni un produit du tabac ni un produit pharmaceutique, d’importantes leçons peuvent être tirées de ces industries tandis que le cannabis lutte pour recouvrir sa légitimité en médecine et au sein de la société.

Tout et n’importe quoi

Bedrocan et Cannimed utilisent un style neutre et pharmaceutique pour décrire leurs variétés de cannabis. Ces entreprises mettent fortement l’accent sur le caractère standardisé et homogène de leurs produits. Ce sont les seuls producteurs autorisés qui ne présentent pas de variation significative de puissance entre les lots produits. Ces variétés comprennent Cannimed 9-9, Cannimed 17-1, Bedrolite et Bediol.

Bedrocan n’offre aucune affirmation quant aux effets, tandis que Cannimed fournit des allégations anecdotiques. Mettrum n’utilise carrément pas de noms de variétés, utilisant plutôt son Mettrum Spectrum, protégé par une marque de commerce, qui classe les variétés par puissance selon un système de couleurs. Cette approche par spectre de couleurs permet de tenir compte plus facilement des variations de puissance entre les lots de fabrication. Mettrum n’offre pas d’allégation quant aux effets.

Tilray, Organigram, Canna Farms, Whistler MMC et Delta-9 Biotech utilisent les noms de variétés originaux, sans les renommer. Ces entreprises renvoient quelque peu aux sources prélégales des variétés et à leur génétique. Ces variétés comprennent notamment Cannatonic, Diamond OG, Pink Kush, Afghani Bullrider et White Widow.

Tweed inc., MedReleaf et Peace Naturals sont parmi les producteurs autorisés qui ont rebaptisé les variétés qu’ils ont acquises en se servant de conventions similaires, mais sans doute plus modernes. Les variétés de Tweed adoptent une allure plus branchée (Clearwater, Herringbone, Buddy), alors que MedReleaf s’inspire de la médecine et utilise des noms latins et hébreux (Solveris, Erez, Avidekel). Chacune de ces entreprises, à l’exception de Whistler MMC, offre à sa façon des allégations quant aux effets et voit ses lots varier en puissance. Tilray est le seul producteur autorisé qui place des allégations relatives aux effets directement sur ses emballages, puisant dans les rapports anecdotiques de sa société sœur, Leafly. Organigram offre des allégations générales quant aux effets en classant ses variétés à l’aide des acronymes des conditions médicales, mais apparemment sans rapports anecdotiques.

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Indica, sativa, hybride, placebo

« Indica », « Sativa » et « hybride » sont des termes botaniques qui décrivent la morphologie et la génétique de la plante, communément utilisés pour décrire la gamme des effets potentiels du cannabis. Certains producteurs autorisés ont conservé ces catégories, alors que d’autres les évitent. Tous les dispensaires et clubs compassion du Canada se servent du système Indica/Sativa.

Les variétés Indica sont décrites comme « sédatives » ou « calmantes » et elles proviennent de pays producteurs de haschich, comme l’Inde et l’Afghanistan. Les variétés Sativa sont souvent décrites comme « énergisantes » et « fonctionnelles », et elles proviennent de régions tropicales comme la Thaïlande et certaines parties de l’Amérique du Sud. Les hybrides sont souvent décrits comme offrant le meilleur de deux mondes, et on indique que leurs effets Indica ou Sativa sont « dominants ».

Malgré certains témoignages convaincants, les allégations portant sur les effets spécifiques aux variétés n’ont pas fait l’objet d’études poussées et peuvent favoriser l’effet placebo. Cela complique l’investigation objective des effets réels et crée des attentes faussées chez les patients. Un exemple de cela est le mythe persistant voulant que les propriétés « sédatives » des variétés Indica soient dues à une grande quantité de cannabidiol (CBD), alors qu’en réalité, les variétés Indica modernes contiennent rarement une quantité significative de ce composé.

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Au pays des saveurs

Un facteur crucial de différenciation entre les variétés de cannabis dont le contenu en cannabinoïdes est similaire repose dans leurs composés aromatiques, appelés terpènes. Ces terpènes comprennent notamment le bêta-caryophyllène, le myrcène, l’alpha-limonène, le pinène et l’ocimène. On croit que les terpènes contribuent à la pharmacologie unique de chaque variété de cannabis. Il a été démontré que certains sont des agonistes partiels des récepteurs d’endocannabinoïdes et ont un potentiel thérapeutique qui leur est propre.

Santé Canada exige que les producteurs autorisés affichent sur l’étiquette le contenu en THC et en CBD de leurs variétés, mais n’exige pas que le contenu en terpènes soit quantifié. Ces caractéristiques organoleptiques sont reflétées dans les noms de variétés comme Super Lemon Haze, Grape Escape, Sweet Skunk ou Blueberry Hashplant.

Les médecins ont toutefois exprimé des réserves au sujet de l’utilisation de ces descripteurs aromatiques. Leur argument nous ramène à la publicité sur le tabac, mais ignore la pharmacologie du cannabis comme plante entière. Une analyse quantitative des composés aromatiques et leur étiquetage contribueraient à informer les patients et les médecins quant à ces distinctions, en plus d’aider à couper court au marketing d’un produit médical comme un bonbon.

Continuité et conversion

Tous les producteurs autorisés (à l’exception de Cannimed et Bedrocan) cultivent des variétés de cannabis qui ont été acquises auprès des dispensaires détenant un permis en vertu de l’ancien Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales. Depuis près de deux décennies, des millions de patients à travers l’Amérique du Nord se sont habitués à la nomenclature familière. Les aidants, les mariculteurs et les dispensaires utilisent depuis longtemps le jargon pour leurs variétés. Ces termes existent depuis plusieurs générations de plus que toute forme de réglementation.

La continuité est cruciale pour ces patients, et encore davantage pour les producteurs et législateurs qui doivent les convaincre que la conformité au Règlement sur la marihuana à des fins médicales est dans leur intérêt supérieur. Ce règlement, dans sa forme actuelle, est très difficile à faire avaler, en grande partie à cause de sa mise en œuvre punitive et coercitive et de sa restriction arbitraire au cannabis séché. Cela est particulièrement vrai pour les patients qui ont l’habitude de cultiver leur propre approvisionnement ou d’acheter une multitude de produits auprès d’un dispensaire.

Du jargon à la science

Les termes familiers et les termes botaniques ont tous une place avec le cannabis médical. Le cannabis est, après tout, un produit de l’agriculture : il y a des tomates Beefsteak et des tomates cerises, comme il y a des variétés de cannabis (Big Bud, Blueberry…). Il devrait cependant y avoir des limites sensées à ces conventions de nomenclature ; les pratiques de marketing qui pourrait séduire les jeunes ou exagérer les effets sur la santé devraient être limitées.

Tandis que nous comblons les lacunes dans les données probantes du cannabis médical, l’usage de termes familier diminuera probablement, et la nomenclature deviendra plus objective et quantitative. Pour les nouvelles vagues de patients sans expérience préalable avec le cannabis (et sans investissement dans ses politiques), le cannabis est simplement un traitement qui contribue à améliorer la qualité de vie et à gérer les symptômes de maladie chronique, qu’il se nomme Cannatonic ou CanniMed 15-5.

Et malgré les désaccords philosophiques entre les médecins quant au cannabis en médecine, tous demandent que des recherches plus poussées soient réalisées et tous se soucient des pratiques marketing de l’industrie. Les producteurs autorisés devraient faire un effort authentique et concerté pour répondre à ces questions en mettant sur pied des lignes directrices claires pour la mise en marché, qui mettent en équilibre un accès raisonnable et une promotion responsable.


Article publié originalement dans Lift Magazine.

Adam Greenblatt est un militant autodidacte pour l’accès sécuritaire au cannabis médical et pour une réforme raisonnable des politiques axées sur les drogues. Il est présentement directeur général et cofondateur de Santé Cannabis, la première clinique montréalaise spécialisée en cannabinoïdes et son premier centre de ressources pour le cannabis médical.

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