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5 Raisons De Rouvrir Le Débat Sur La Légalisation Du Cannabis, par Contrepoints.org

Article publié le 16/03/2015 sur Contrepoints.org et écrit par Baptiste Créteur.

5 bonnes raisons de légaliser le cannabis. Moins de criminalité, des rentrées fiscales, de la croissance, un bénéfice de santé publique et un progrès pour les libertés individuelles. Hollande, your move.

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1.) 137 000 infractions en moins par an : moins de criminalité, moins de criminels

La légalisation du cannabis réduirait instantanément le nombre de criminels. En 2010, 122 000 arrestations pour usage de cannabis et 15 000 pour usage-revente et trafic de cannabis ont eu lieu. Rendre ces activités légales reviendrait à ne plus faire de leurs auteurs des criminels ; ce sont donc, mathématiquement, 137 000 infractions de moins par an.

Leurs auteurs n’entreraient pas dans la criminalité, et auraient moins de chances de s’y enfoncer. Le contact avec la criminalité et le syndrome de la vitre cassée (qui a peu à voir avec la théorie keynésienne, bien que la comparaison des deux soit amusante) encouragent son développement.

La compréhension du syndrome de la vitre cassée a permis de massivement réduire la criminalité à New York. L’idée est relativement simple : la décrépitude et le vandalisme favorisent le développement de la criminalité et des incivilités, tout simplement parce qu’ils donnent l’impression – sans doute à raison – que finalement, les gens n’en ont pas grand chose à faire ; une impression de négligence, un environnement décrépi. L’idée est simple, mais les implications sont très larges.

Dans son livre The Tipping Point, Malcolm Gladwell distingue trois « agents du changement », trois « règles de diffusion des épidémies » : l’implication d’individus particulièrement doués socialement ; quelque chose qui rende le message particulièrement mémorable ; et un contexte favorable. Le syndrome de la vitre cassée influence largement le contexte. Plus la criminalité est visible, plus il y aura de criminels et de criminalités. Faire disparaître tout un pan de la criminalité du champ de la criminalité est donc très bénéfique, d’autant plus qu’il s’agit d’une criminalité sans victime, d’une fausse criminalité : quelqu’un vend quelque chose à quelqu’un, pas de victime. Quelqu’un fait pousser une plante, pas de victime. Quelqu’un consomme une chose globalement inoffensive, pas de victime.

2.) 1,2 milliard d’euros de recettes fiscales par an…

En 2014, le Colorado a gagné 53 millions de dollars en taxes sur la marijuana, soit 50 millions d’euros. Et ce, avec une population 12 fois inférieure à la France. Si on considère que les niveaux de consommation, de prix et de taxes seraient les mêmes, cela signifie que la France pourrait gagner 600 millions d’euros chaque année.

Au Colorado, 15% de la population déclare avoir fumé du cannabis dans le dernier mois – soit plus que la moyenne nationale américaine, 9%. En France, les proportions seraient un peu plus basses que dans le Colorado mais un peu plus élevées que la moyenne américaine et devraient se situer autour de 10%. Avec une taxation identique, les recettes fiscales du cannabis atteindraient plutôt 400 millions d’euros. Mais les taxes seraient probablement plus élevées.

Dans le Colorado, les taxes se répartissent comme suit : 2,9% de taxe sur les ventes et la distribution de cannabis médicinal, 10% de taxe spéciale sur la vente de cannabis, 15% de taxe d’exercice de vente de marijuana, et les frais d’enregistrement et de licence pour la vente de marijuana. Cela revient à 28%, plus une licence.

En France, pour un produit considéré comme comparable (bien que généralement plus nocif), la taxation est bien plus élevée : sur une bouteille d’alcool (whisky) à 13 euros, 84% reviennent à l’État. Exactement 3 fois plus. La légalisation du cannabis dans les mêmes conditions que dans le Colorado, mais avec une taxation à la française, génèrerait chaque année 1,2 milliard d’euros de recettes fiscales.

3.) … 1,4 milliard d’euros de PIB, et 80 000 emplois

La légalisation du cannabis créerait de l’emploi. Les recettes fiscales représenteraient 1.2 milliard d’euros ; le PIB généré (si le cannabis est Made in France) atteindrait lui 1,43 milliard d’euros, soit un peu moins 0,1% du PIB. Les 230 millions d’euros qui ne vont pas dans les poches de l’État reviennent aux entreprises qui cultivent, collectent, distribuent et vendent le cannabis, sans compter l’écosystème qui se développe autour de l’amélioration des plantes par l’ingénierie d’hybridation et d’amélioration des espèces, la vente de graines et semences, la vente d’accessoires et les inévitables hausses de consommation de chips et de chocolat.

Et des emplois seraient créés, aussi bien dans l’agriculture que dans la transformation et les services. 10 000 ont été créés au Colorado ; en prenant en compte une consommation de 10% (contre 15% dans le Colorado) et une population 12 fois supérieure, en France, ce sont 80 000 emplois qui seraient créés. Des emplois qualifiés et peu qualifiés qui viendraient améliorer les chiffres, mais aussi les vies de chômeurs sans doute heureux de retrouver un emploi dans un secteur nouveau, au contact de la nature.

4.) Un bénéfice de santé publique, et quelques jardiniers

La légalisation du cannabis introduit une frontière entre le cannabis et les drogues dures. Les circuits de distribution deviendraient distincts, ainsi que les populations. Concrètement, pour s’approvisionner, les fumeurs n’auraient pas à entrer en contact avec des revendeurs ayant potentiellement d’autres drogues à proposer et un avantage à leur en refourguer.

La consommation deviendrait également plus transparent. Des critères et labels de qualité pourraient être introduits, évitant le mélange avec des produits parfois nocifs.

Le cannabis a des applications médicales, et il n’est parfois vendu que pour cela. Les mêmes doses ayant les mêmes effets, cela peut être un bénéfice pour les malades et une réduction de coûts pour la Sécurité Sociale.

Surtout si la hausse de consommation de cannabis réduit la consommation d’un produit alternatif plus nocif : l’alcool. Les dommages physiques et intellectuels du cannabis sont bien moindres que ceux de l’alcool. En dehors d’une potentielle stimulation de tendances psychotiques chez les individus prédisposés, le cannabis n’a pas de réel effet négatif sur le comportement de ces utilisateurs ; ils ne violent et n’agressent pas, ils mangent des chips et du chocolat.

La consommation n’échapperait pas pour autant à tout contrôle ; la culture individuelle n’est pas facile d’accès. Le cannabis est une plante difficile à cultiver, demandant beaucoup de soins et sujette à nombre de maladies et nuisibles. Qu’elle se développe supposerait que beaucoup de Français développent leur talent de jardinier, ce qui n’est au fond pas une si mauvaise chose. Les fumeurs occasionnels ne deviendraient en tout état de cause que marginalement des cultivateurs amateurs.

5.) Un bon geste politique et un regain de libertés individuelles

La légalisation du cannabis est majoritairement (mais pas exclusivement) une lutte progressiste. Un gouvernement socialiste dont la fidélité aux principes de gauche est remise en cause et qui aurait tort de se priver d’un débat ardent face à une droite qui a tout à perdre à sembler trop conservatrice. L’occasion, en quelque sorte, de permettre à des Français qui se sont divisés autour du mariage pour tous de se réunir autour de concessions mutuelles.

Outre ce bénéfice politique, le gouvernement ferait ainsi un pas vers les libertés individuelles. Les citoyens ne s’en porteraient que mieux ; ce serait, pour eux, une liberté de plus. C’est toujours ça de pris.

Il y a peu de raisons de s’opposer à la légalisation du cannabis, et nombreux sont les pays qui, s’ils ne l’ont déjà mise en œuvre, y réfléchissent. Un référendum ferait du bien à une démocratie française affaiblie par une déconnexion croissante entre la politique et les citoyens. Alors que le sujet a été abordé il y a quelques mois par plusieurs personnalités politiques, on comprend mal pourquoi le gouvernement ne relance pas le débat. Parce qu’il n’y a pas pensé, peut-être ?

Article publié le 16/03/2015 sur Contrepoints.org et écrit par Baptiste Créteur.